Auteur: Tayeb Saddiki

Rien ne coûte plus cher que le dédain de ses origines. Que sont les fantômes devenus qui hantent nos yeux et notre mémoire?
Mogador était une île en dérive ou plutôt des glaces sans entrée ni sortie. Revenir obstinément à Mogador, le grain de beauté du Royaume, en faisant des décors privilégiés des souvenirs d'enfance.
Plus que des décors, des personnages à part entière, énigmes vivantes, à l'humour imprévisible. Un port asséché, ouvert à tous les vents, l'odeur de l'huile argane, le fiel d'un regard de femme, le temps à peine perceptible d'une semousse, un chalutier laissant lire à la brume les déplacements des mouettes.
Ici il n'y a rien à expliquer.
Il faut savoir déceler la malice du vieux brocanteur dans son échoppe, le toussotement agacé du notable au sortir d'une mosquée, le geste fatigué du marqueteur, sans oublier le bruit des portes toujours entrouvertes à la tombée de la nuit.
Ici chaque signe a valeur d'indice.
J'entame une promenade tranquille comme la lecture d'un livre où je mêle mes propres souvenirs.
Essaouira Mogador est un mystère qui crève les yeux.
Elle respire le sacré.
On y prie à voix basse pour affirmer qu'elle est source de nos joies et de nos tourments Mogador est peut être la seule ville qui n'est étrangère pour personne.
Y habitaient deux groupes que la circoncision rapproche : les juifs, vivant de l'espérance abrahamique et les musulmans vivant de la foie abrahamique : Ismail et Jacob.