"Tout a besoin de bonne fortune, même le Sefer Thora dans le Heichal"
Cette maxime du Zohar pourrait bien s'appliquer à ce Sefer Thora de 300 ans découvert il y a quelques années dans une grotte du littoral septentrional de l'île de S. Miguel dans les Açores.
Ce sont deux écoliers du pauvre village de pêcheurs de Rabo de Peixe qui l'avaient découvert.
Inconscients de l'importance de leur découverte, les enfants vandalisèrent le rouleau et le réduisirent en un tas de fragments de parchemin. Ils donnèrent certains fragments et en vendirent d'autres à des personnes envisageant de faire un profit de ces fragments.
Ces faits ont été portés à ma connaissance par accident le 9 mai 1997, deux jours après la découverte. J'avais par erreur cliqué sur un lien Internet à un journal des Açores. Il s'agissait du "Ax oreano Oriental" et ce sujet faisait l'objet d'un article en première page.
Le lendemain de leur découverte, les enfants apportèrent certains des fragments à l'école. Leur professeur de catéchisme s'aperçut rapidement qu'ils étaient écrits en hébreu et l'une de ses collègues eut le bon sens de retourner sur les lieux avec les enfants et de pénétrer dans la grotte. Elle revint avec les reliques du rouleau (1), certaines pages étant brûlées et les confia à la bibliothèque régionale et aux archives. Le directeur organisa alors une opération visant à récupérer ne serait-ce qu'une partie des fragments dispersés entre les villageois.
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Pendant les jours qui suivirent la presse fit état de "deux rouleaux" c'est en effet ce qu'il semblait après le découpage effectué par les enfants.
Certains récits évoquaient le fait que la grotte était un lieu de culte secret des crypto juifs d'autres affirmaient qu'il s'agissait de la réalisation d'une prophétie du Pape Jean XXI.
Il était évident que ce rouleau avait été déposé là récemment en raison du parfait état du sac qui le contenait.
Ma longue expérience des communautés secrètes des crypto juifs du Portugal ainsi que de nombreux dossiers relatifs à l'Inquisition me conduisit à écarter comme hautement improbable la possibilité qu'un marrane des Açores ait un Sefer Thora en sa possession. Non pas qu'il n'y ait jamais eu de nouveaux chrétiens dans les Açores mais la plupart d'entre eux étaient venus du Portugal au 16ème siècle pour essayer d'échapper à la vigilance de l'Inquisition qui n'avait aucun tribunal aux Açores. Or dès 1555, l'évêque d'Angra, Jorge de Santiago, avait dénoncé au Saint Bureau de Lisbonne l'existence de deux groupes de nouveaux chrétiens dans son domaine de juridiction, pris en flagrant délit de pratique de rites juifs en secret. Certains furent déportés à Lisbonne par ordre de l'Inquisition.
Depuis lors et jusqu'en 1802, les autorités cléricales des Açores ne cessèrent de poursuivre les judaïsants ainsi que les autres hérétiques et prévaricateurs sexuels. Cela impliquait de nombreuses inspections à la recherche de livres interdits dans des bateaux mouillant dans les ports des Açores.
Ces inspections ne furent jamais très fructueuses. Durant toute cette période seuls 112 habitants des Açores furent condamnés à différentes sentences par l'Inquisition de Lisbonne et 26 d'entre eux pour Judaïsme.
Quoi qu'il en soit ces judaïsants ne possédaient aucun Sefer Thora ni aucun autre objet de culte juif. La découverte de l'un de ces objets en leur possession aurait signé leur arrêt de mort sur les bûchers de l'Inquisition.
Il est plus probable d'envisager que ce Sefer Thora ait appartenu à un juif marocain installé dans les Açores après 1815 et qui aurait quitté ces îles vers 1870 à destination du Portugal, du Brésil et des Etats Unis. La communauté juive marocaine vivait dans plusieurs îles de l'archipel et possédait quatre (et à certaines périodes même cinq) petites synagogues où étaient entreposés des Sefers Thora.
A l'exception de celui que son propriétaire emporta avec lui à la synagogue d'Oporto tous les livres se trouvaient à la synagogue de Ponta Delgada (capitale des Açores).
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Le bâtiment de cette synagogue étant en très mauvais état, les quatre Sefers Thora furent tous transférés à Lisbonne.
Réfléchissant à la manière de découvrir l'origine du Sefer Thora de Rabo de Peixe, je me demandai s'il avait un manteau et si quelqu'un avait pensé que le nom de son propriétaire pouvait être brodé sur ce manteau comme c'est généralement le cas.
Un coup de téléphone au directeur des archives de Ponta Delgada me donna la réponse, inattendue : il y avait bien un manteau en velours lisse mais aucune broderie.
Sa description me permit d'établir que ce manteau avait été cousu à la machine (et donc pas si vieux) et qu'il s'agissait d'un manteau ashkénaze.
Les Sefer Thora marocains y compris ceux qui sont encore à la synagogue de Lisbonne présentent une ouverture verticale au bas du manteau permettant à la personne qui les tient d'introduire sa main droite à l'intérieur pour tenir le rouleau. Les manteaux ashkénazes sont entièrement fermés.
Plus tard, j'eus l'occasion de voir de près l'un des fragments de parchemin qui avait été envoyé en Israël pour être examiné par des experts de l'université hébraïque.
Ceux-ci émirent l'opinion que ce Sefer Thora avait été écrit au Maroc aux environs de 1700.
J'étais intrigué par ce manque de consistance : un vieux sefer Thora sépharade dans un manteau ashkénaze moderne. Je compris que c'était là une piste à suivre.
En cherchant dans le dossier Açores de mes archives personnelles je retrouvai une copie de "Hedim" une publication en hébreu, datant de 1977 où figurait un petit article reprenant les hypothèses de son auteur au sujet des cryptos juifs des Açores. L'auteur faisait reposer sa théorie sur une histoire qu'il avait lue dans le "Kansas City Jewish Chronicle" au sujet d'un jeune capitaine américain de la base aérienne de Lajes dans les Açores qui avait acheté un Sefer Thora dans un café pour cinq dollars. Aucune date de publication n'était donnée.
IIl me fallut six ans pour retrouver le capitaine Marvin Feldman, aujourd'hui à la retraite et vivant en Australie.
Le Colonel Feldman eut la bonté de me raconter toute l'histoire qui différait légèrement de ce que j'avais lu. Il avait servi à la base de Lajes d'avril 1970 à avril 1972. Il n'était pas rabbin mais avait assez de connaissances en matière de judaïsme et surtout la motivation nécessaire pour le faire.
Il fut rapidement connu dans la communauté locale comme le "juif américain". C'est probablement la raison pour laquelle certains autochtones l'accostèrent un jour et lui murmurèrent à l'oreille qu'eux aussi avaient des ascendances juives. Cela éveilla sa curiosité et il commença à chercher d'autres traces de judaïsme sur l'île.
Il trouva effectivement un petit cimetière puis un village au nom évocateur : "Porto Judeu" le port juif.
Marvin Feldman se rendit plusieurs fois dans ce village examinant les portes à la recherche de "mezuzas" mais en vain.
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Un jour, il pénétra dans un bar de Porto Judeu où des vieillards buvaient du vin rouge autour de tables en bois. Il commanda un pichet de vin et le plaça sur la table pour pouvoir s'asseoir avec eux.
Avec le peu de portugais qu'il possédait, il demanda pourquoi cet endroit était appelé le port juif. On lui raconta l'une des histoires les plus célèbres de la légende locale. Au 16ème siècle un bateau transportant des Juifs en fuite avait été pris dans la tempête et avait dû accoster sur l'île de Terceira.
Les Juifs n'étaient pas autorisés à vivre en territoire portugais, néanmoins le gouverneur les autorisa à s'installer sur l'île à condition que ce ne soit pas dans la ville principale Angra do Heroismo. Ils longèrent la côte vers le nord et s'installèrent dans un endroit qui fut appelé plus tard Porto Judeu (2).
A force de venir dans ce bar chaque semaine, le jeune capitaine juif gagna la confiance des vieux villageois. Il continua à poser des questions : où ces juifs vivaient ils? Où étaient leurs descendants aujourd'hui? Ils n'en savaient rien. Ils lui donnèrent l'adresse du cimetière juif qu'il avait déjà vu à Angra do Heroismo. Le cimetière n'avait aucun rapport avec ces Juifs du 16ème siècle.
Finalement ils lui dirent un jour : "nous ne savons pas où ces Juifs vivaient mais nous avons quelque chose de juif pour vous".
Ce "quelque chose de juif" était une grande caisse en bois, vieille et sale hérissée de clous rouillés, qu'ils sortirent de derrière le bar et placèrent dans le coffre de sa voiture.
Feldman était stupéfait. Il prit la boîte chez lui, la posa dans un coin et pendant plusieurs semaines n'osa pas l'ouvrir. Qu'allait il y trouver? Se demandait il.
Cela ressemblait à une sorte de cercueil. Peut-être contenait-il les ossements et le crâne de quelqu'un. De quel droit irait-il déranger les morts.
Il trouva finalement le courage d'ouvrir la boîte. A sa grande surprise elle contenait un Sefer Thora en excellent état. Il ne l'avait donc pas acheté comme le disait l'article. Il l'avait reçu.
Il nettoya le Sefer Thora et l'emporta à la base où on l'utilisa pour les services du Shabbat.
Fait remarquable, était qu'étant donné qu'aucun des Juifs présents ne savait lire la Thora, c'est le chapelain catholique qui avait étudié au Vatican et savait lire l'hébreu sans les voyelles, qui se porta volontaire pour lire la portion hebdomadaire lors l'office du samedi. Il s'agissait du Père Don Hunter.
Lorsqu'un rabbin vint passer le Seder de Pâque avec les membres de la congrégation juive de la base, le capitaine Feldman lui montra le Sefer Thora.
Le rabbin était sûr qu'il s'agissait d'un Sefer Thora espagnol datant d'avant l'inquisition. Ce rabbin ne s'y connaissait probablement pas beaucoup en "Sefers" d'origine sépharade.
Lorsque Feldman rentra aux Etats-Unis il refusa de prendre le Sefer Thora avec lui. Il était convaincu qu'il faisait partie de l'histoire des Juifs du Portugal et que sa place était aux Açores. Il le laissa donc dans son armoire à la chapelle.
Cinq ans plus tôt Feldman avait vérifié ce qu'il était advenu de lui et j'ai moi-même revérifié par téléphone auprès du chapelain actuel de la base : le Sefer Thora ne s'y trouvait pas et il n'y avait aucune trace de son passage.
Je demandai à Marvin Feldman si le Sefer Thora qu'il avait trouvé avait un manteau. Il me répondit que lorsqu'il l'avait trouvé dans sa boîte il n'en avait pas, mais que plus tard, lorsqu'un autre rabbin lui avait écrit pour lui annoncer sa visite lui demandant quoi apporter, Feldman lui avait fait parvenir les mesures du Sefer pour lui coudre un manteau.
Comment était ce manteau? Feldman me dit qu'il était en velours bleu avec des franges jaunes. Je lui envoyai une photo du manteau de Rabo de Peixe et il me répondit qu'il pourrait bien s'agir du même.
Nous avions donc l'explication de la présence d'un livre sépharade dans un manteau ashkénaze. La présence deux livres de ce type dans les Açores et tous deux avec un manteau Ashkénaze de la même couleur aurait été une trop grande coïncidence. J'avais donc maintenant une piste : la vieille caisse en bois. Dans la principale ville de Terceira, Angra do Heroismo, il y avait une synagogue au domicile d'un juif érudit venu de Mogador (sur la côte atlantique du Maroc), un certain Mimon Abohbot.
Né en 1800, Abohbot était arrivé au Portugal avant 1824. A Lisbonne il avait été recruté par un compatriote Salon Buzaglo pour être son agent dans les Açores, à Angra do Heroismo, Terceira.
Deux années plus tard, suite à une querelle avec son employeur, Mimon quitta Buzaglo et fonda sa propre entreprise. Il importait des vêtements et des tissus d'Angleterre qu'il revendait dans son magasin à Angra. Il avait également un commerce d'exportation d'oranges du cru.
Etant donné qu'il était le plus érudit des trente juifs qui vivaient dans la ville, il fonda une synagogue chez lui et devint rapidement le leader religieux de la communauté juive.
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Aux yeux de la population locale, Mimon Abohbot était le juge et rabbin des Hébreux.
Il dirigeait l'office, faisait des sermons (dont certains écrits de sa main existent encore), organisait des services spéciaux pour les évènements portugais publics revêtant une importance particulière. Abohbot était très respecté par les habitants des Açores tant Juifs que non Juifs.
En 1838 il se maria à Londres dans la synagogue Bevis Marks avec l'anglaise Elizabeth Davis. Il obtint la nationalité portugaise. Le couple eut sept enfants.
Ayant fait une carrière fructueuse dans le commerce, Mimon Abohbot laissa une grande fortune après sa mort.
Dans sa synagogue Abohbot avait deux Sefarim (pluriel de Sefer (Thora)) qu'il avait emportés (ou faits venir ultérieurement) de sa ville natale de Mogador.
Dans son testament il déclare sa foi dans le judaïsme et en appelle à ses descendants pour qu'ils poursuivent sa voie avec la même foi et prient pour son âme et celles de sa femme et de ses enfants (deux d'entre eux étaient morts avant lui).
Dans ce même testament il avait émis deux voeux :
- Il souhaitait être enterré au cimetière juif d'Angra do Heroismo près de ses enfants morts. Si ce cimetière était pour quelque raison décimé, il souhaitait que leurs restes soient transportés à Mogador et enterrés auprès de ceux de ses ancêtres.
- Si ses enfants quittaient les Açores et qu'il n'y avait plus de Juifs sur l'île, il souhaitait que l'un des Sefarim soit transféré à la synagogue "Shaar Hashamaim" de Ponta Delgada et que l'autre soit renvoyé à sa ville natale de Mogador.
Mimon Abohbot (3) décéda en 1875. Sa femme Elisabeth rendit l'âme en 1898. Son fils Jacob qui était lui aussi une importante figure de la vie sociale de Terceira, décéda quant à lui en 1916 à l'âge de 75 ans, emporté par la tuberculose.
La première chose qui me vint à l'esprit fut que le Sefer Thora trouvé en 1971 dans l'île de Terceira pouvait provenir de la synagogue d'Abohbot.
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Pedro de Merelim (4), ancien historien auteur des "hébreux de Terceira" suivit la piste de l'exécution du testament de Mimon Abohbot. Il réussit à apprendre de la bouche de l'une des filles de Jacob Abohbot, Ana Elisabeth, juste avant son décès en 1964 alors qu'elle ne s'était jamais mariée, que c'était son oncle Isaac Jose Abohbot (décédé en 1921) qui avait exécuté le testament de son grand père et envoyé les derniers livres juifs à Ponta Delagada.
Effectivement, le 18 mars 1936, Salon Delmar Jr, le dernier "véritable juif" des Açores (5) avait écrit une lettre au rabbin de Lisbonne, Abraham Castel et lui avait envoyé certains des sermons de Mimon Abohbot qu'il avait omis de mettre dans la boîte déjà envoyée à la communauté juive de Lisbonne avec tous les biens qu'il avait reçus des héritiers d'Abohbot.
Il n'y est fait mention d'aucun Sefer Thora. Il est possible qu'étant donné que la synagogue de Ponta Delgada était encore ouverte, on l'y ait laissé et qu'il s'agisse de l'un des trois Sfarim envoyés à Lisbonne il y a quelques années (6).
Merelin a également trouvé dans un article de journal de 1866 (?) la mention du fait que "d'autres documents juifs avaient été placés dans une caisse en bois et envoyés à Lisbonne".
Quels documents? S'il s'agissait uniquement de livres et de papiers pourquoi ne se trouvaient-ils pas à Ponta Delgada ou à Lisbonne?
S'agissait-il du Sefer Thora devant être envoyé à Mogador?
Il n'y avait probablement pas de bateaux directs d'Angra do Heroismo à Mogador. La caisse devait donc passer par Lisbonne et de là être envoyée à un autre port marocain puis à Mogador.
Avait-elle attendu à Angra do Heroismo l'occasion d'une expédition qui ne s'était jamais présentée? Aujourd'hui il est pratiquement impossible de le savoir. Le fait est que coïncidence ou pas, une vieille caisse avec des objets juifs a été remise en 1971 à un officier juif américain à Porto Judeu et qu'elle contenait un Sefer Thora marocain.
Cette question demeurant sans réponse, nous avons néanmoins essayé de comprendre pourquoi le Sefer laissé dans la chapelle de la base de Lajes, Terceira a été retrouvé 26 ans plus tard dans une grotte de S. Miguel.
Tant que la personne qui l'a caché dans cette grotte ne se manifestera pas nous ne pouvons que faire des supputations.
Les restes du Sefer Thora vandalisé furent envoyés à la bibliothèque nationale de Lisbonne pour être restaurés. Avec l'aide du rabbin local, les fragments furent recollés et remis dans le bon ordre (certains manquent) et le rouleau tout entier fut traité contre l'humidité. L'une des tiges en bois (Ets Haïm) fut réparée. Ses deux extrémités étaient recouvertes d'ivoire (7). A l'extrémité inférieure, la poignée avait été artistiquement travaillée. L'autre Ets Haïm manquait, une copie exacte a été effectuée sans le revêtement d'ivoire. Une belle boîte bordée de bleu a été confectionnée pour le rouleau ainsi qu'une étagère pour le manteau en velours.
Le gouvernement de la région autonome des Açores a classé le Sefer Thora "patrimoine régional".
Il sera prochainement exposé au public à la bibliothèque de Ponta Delgada et aux archives régionales où il est actuellement conservé. Une copie de cette histoire y est également classée.
(1) J'appris plus tard de la bouche de cette enseignante qu'elle n'avait pas trouvé les restes du rouleau dans la grotte. Ils avaient déjà disparus lorsqu'elle y était arrivée avec les enfants. Sur le chemin du retour ils le retrouvèrent dans une grande boîte de carton. Un côté avait été complètement déroulé et l'axe en bois à poignée d'ivoire Ets Haïm avait disparu. Le second était en place mais la tige de bois était cassée. Les enfants mentionnèrent le fait qu'ils avaient laissé des pièces métalliques dans la grotte. Il s'agissait probablement des rimonim en argent que l'on peut voir sur la photo de Feldman ci-dessous que le rabbin qui avait apporté le manteau avait également apportés.
(2) Alexandre Herculano, un historien portugais du 19ème siècle des plus fiables, a trouvé dans les archives du palais Ajuda à Lisbonne qu'il dirigeait, un document confirmant partiellement cette histoire sans mentionner spécifiquement Porto Judeu. D'après de document cela aurait eu lieu en 1501 lorsque tous les Juifs portugais avaient déjà été contraints de se convertir au christianisme et que les nouveaux chrétiens avaient l'interdiction formelle de quitter le Portugal.
(3) Les fugitifs étaient en route pour l'Afrique du Nord lorsqu'ils furent pris par une tempête. Cherchant un abri dans les Açores, tous les passagers furent arrêtés et condamnés à l'esclavage. Puis le roi, Manuel 1er les offrit en cadeau au gouverneur de Terceira Vasco Eannes Corte-Real.
(3) En 1975, j'achetai chez un revendeur de livres anciens de Lisbonne un livre en hébreu assez inhabituel. Il s'agissait d'un livre de prières manuscrit pour les jours de la semaine et le Shabbat, dont la couverture rigide était décorée et dont la tranche était dorée. Les premières doubles pages, l'une en hébreu et l'autre en portugais m'apprirent que leur auteur Mimon Abohbot, l'avait recopié à la main pour le laisser en héritage à ses petits enfants et leur faire savoir qu'ils avaient eu un grand père pieux et aimant. Il leur demandait de prier à sa mémoire avec ce livre.
J'étais ému par le fait que ce livre soit tombé entre mes mains et non pas entre celles des petits enfants de l'auteur. Alors je l'utilisai de temps à autres pour mes prières en mémoire de ce grand père juif inconnu et je continue à le faire.
Quelques années plus tard, à Lisbonne alors que je rendais visite à mon ami Roberto Bachman, bibliophile distingué à Lisbonne, il me montra des sermons manuscrits de la main du même Mimon Abohbot. Je racontai à Bachman l'histoire de mon livre et il m'envoya rapidement une copie de l'article de Pedro de Merelim.
Mon livre datait du 25 avril 1874, Angra do Heroismo, Terceira. Mimon Abohbot était mort 16 mois plus tard, en juin 1875 cent ans avant que je n'achète son livre.
(4) Pedro de Merelim alias Joaquim Gomes da Cunha, mourut en novembre 2002. Son article "Os Hebraicos na Ilha Terceira" fut publié dans la "Revista Atlantida" en 1966 fut puis réédité plus tard avec de nombreux ajouts sous forme de livre portant le même titre (Angra do Heroismo, 1995).
(5) Le dernier des juifs marocains car quelques familles juives ashkénazes s'étaient installées à Ponta Delgada dans les années 30 et en étaient reparties.
(6) Les archives de la communauté de Lisbonne ne mentionnent pas cette question.
(7) Marvin Feldman ne se souvient pas de ce détail
Addendum
C'est en avril 2005 que ma femme et moi visitâmes les Açores pour la première fois. J'avais été invité par les autorités locales pour donner une série de deux conférences sur la "Thora de Rabo de Peixe" une à Ponta Delgada (Ile de S. Miguel) et la seconde à Angra do Heroismo (Ile de Terceira).
Marvin Feldman et sa femme Carole étaient également revenus en visite à Lajes et sur l'île de Terceira pour la première fois depuis qu'il y avait servi dans les années 70. Nous nous sommes manqués d'une semaine. Mais à nous deux nous avions retrouvé deux pièces importantes du puzzle que nous cherchions à reconstituer.
Marvin découvrit qu'une femme juive leader du mouvement laïc de la base avait conservé le Sefer Thora jusqu'en 1997, année de sa découverte dans la grotte. D'après les informations de Marvin, cette dame aurait contacté l'une des synagogues de Lisbonne et leur aurait envoyé le Sefer Thora.
J'ai vérifié auprès de mes amis dans les deux synagogues et aucune Thora n'y a été reçue en 1997 et ils ne se souviennent pas non plus d'avoir été contactés à cette époque à ce sujet. Ce ne fut que bien des années plus tard qu'ils reçurent les trois autres Sefers Thora de la synagogue de Ponta Delgada.
Nous cherchons à retrouver cette dame pour lui demander comment et à qui elle a envoyé le Sefer Thora. Car si elle l'a envoyé à quelqu'un à Ponta Delgada, supposé le transférer à Lisbonne cette personne a peut être pensé qu'elle pourrait en tirer en profit en le cachant et en le retrouvant par elle-même le jour suivant. Or les enfants l'ont retrouvé avant qu'elle n'ait eu la possibilité de la récupérer.
Ce n'est qu'une supposition mais cela expliquerait pourquoi la Thora était enveloppée dans un sac en plastique et pourquoi les restes des rouleaux laissés par les enfants après leurs découpages avaient disparu le lendemain.
La personne qui l'avait placé là voulait au moins récupérer les accessoires de valeur : les poignées en ivoire et les parties métalliques telles que les clochettes et le doigt qui étaient probablement en argent.
Les deux rouleaux ont été retrouvés plus tard près d'un terrain de football l'un d'entre eux entièrement déroulé et le Ets Haaim (axe en bois) et sa poignée en ivoire manquant.
L'autre côté était encore enroulé mais le Ets Haïm était cassé probablement dans une vaine tentative pour retirer la poignée en ivoire.
Les parties métalliques mentionnées par les enfants ne furent jamais retrouvées.
A trois reprises cette Thora a été sur le point de quitter les Açores:
- une première fois pour Mogador, Maroc.
- une deuxième fois pour les Etats-Unis, lorsque les rabbins avaient insisté pour que Marvin Feldman le rapporte avec lui et qu'il avait refusé.
- la troisième fois lorsque la dame de Lajes s'apprêtait à l'envoyer à Lisbonne.
Mais la Thora ne voulait pas quitter les Açores.
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